Faire des décryptages

Décrypter ? Qu'est-ce à dire ?

Un signal s’allume sur le tableau de bord de votre voiture, machine à laver, téléphone...? Vous le prenez en considération par rapport à ce que le signal vous indique. Si le signal vous alerte que les plaquettes de frein sont usées, vous les remplacez. S’il manque du sel régénérant dans votre machine à laver, vous en rajoutez. Si la batterie de votre téléphone est faible, vous le mettez en charge.

Que se passe-t-il lorsque nous prenons en compte le message communiqué par le signal et que nous prenons les dispositions nécessaires ? Le signal s’éteint. Il nous a fallu cependant décrypter le signal, allant parfois consulter la notice de l’appareil ou en demandant à un spécialiste.

Pour notre vie au quotidien, c‘est la même chose. Les signaux du tableau de bord de notre vie, ce sont nos émotions, nos sensations, ce que nous vivons et la façon dont nous le vivons. Cela nous donne des messages sur nous-même. Il nous appartient de décrypter les signaux pour prendre connaissance des messages.

Comment ?
Une démarche vous a été exposée dans le chapitre 6 du livre Résister aux illusions (Accéder à la réalité de soi-même). Vous en trouverez ci-dessous une synthèse.

Accéder à la réalité de soi-même

De la compréhension du fonctionnement de notre processus de création de représentation découle une énorme valeur ajoutée en termes de conscience et de connaissance de soi. En effet, mes réactions sont provoquées, non pas par le monde qui m’entoure, mais par les représentations que je produis à son contact. Pour preuve, un même événement va provoquer deux réactions différentes chez deux individus différents. Une pluie d’été réjouit les agriculteurs qui voient leurs champs arrosés gratuitement et désole les touristes qui ne vont pas pouvoir aller bronzer sur la plage. C’est la même pluie, ce sont les mêmes gouttes d’eau, mais la réaction diffère.

Mes représentations m’appartenant pleinement, mes réactions aussi. Par conséquent, mes réactions me parlent de moi-même. Comment?

De façon directe, puisqu'elles sont provoquées par mes représentations, elles me parlent de la façon dont je me représente les choses.

Et de façon indirecte, puisque mes représentations sont produites par un processus déterminé par ce que je suis, elles me parlent de moi-même (ce qui me constitue, ce qui m'a construit, ce que je porte).

Aux questions «Qui suis-je?» et «Que suis-je?», nous avons des pistes vers des réponses qui s'appuient sur des éléments de réalité objective : nos réactions !


Qui suis-je ? Que suis-je ?
Qui suis-je ?
Par l'observation, la prise de conscience, la mise en lumière des représentations que j'ai de moi-même, recoupée avec les réactions et comportements que je manifeste, je vais accéder à des réponses qui s'ancrent dans le réel objectif.
Que suis-je?
Par l'observation de mes réactions et comportements, j'accède à des indices me permettant de mettre en lumière ce qui participe à la production de mes représentations. Je peux ainsi mettre en lumière des éléments de réalité de ce que je suis, ce qui me constitue, ce que je porte, ce qui m'a construit.

J'accède à la réalité de qui/ce que je suis à travers la réalité de ce que je vis et comment je le vis.

A l'image du tableau de bord d'un véhicule dont les signaux nous informe du bon fonctionnement ou du dysfonctionnement d'un véhicule, nos réactions nous donnent des indications sur la façon dont nous sommes en train de faire l’expérience de notre existence. Nos émotions, nos sensations, nos réactions physiologiques et comportementales sont de précieux indicateurs sur la façon dont nous réagissons à la situation que nous sommes en train de vivre. Ils nous aident à prendre les dispositions qui vont nous permettre de poursuivre l'expérience sensible de notre existence – le voyage pour le véhicule – dans les meilleures conditions possibles.

Nos réactions, nos sensations, nos émotions constituent les indicateurs du tableau de bord de notre vie. Nous l'avons vu précédemment, nos réactions nous appartiennent à 100%. Donc tout ce que nous vivons nous parle de nous-même. Un peu comme si chaque expérience vécue nous montre, démontre, expose, explique, alerte, donne un message/un éclairage de ce que nous sommes, de ce qui en soi nous fait réagir et nous comporter comme nous le faisons. Encore faut-il prendre la mesure des signaux et décrypter les messages de façon claire et intelligible.

Concrètement, comment faire?
Je vous propose une approche simple et pragmatique pour aborder et dénouer des situations complexes et subtiles. Elle se décompose en deux parties qu'il convient de faire l'une après l'autre, la première étant ce qui va constituer la base de travail de la deuxième.

Prendre une photographie

La première étape consiste à faire une photographie des éléments de réalité objective, à savoir les faits liés à un événement précis et la façon dont nous avons vécu cet événement.

Pour pouvoir s'appuyer sur des éléments factuels fiables, il est important de s'en tenir à un événement spécifique clairement identifié dans le temps, et non pas une généralisation de situations récurrentes. Ce travail de décryptage doit impérativement se faire sur la base d'éléments de réalité les plus précis et objectifs possible.

Ce qu’il s’est passé, les faits
Décrire la situation consiste à décrire les faits, ce qui s'est passé, ce que nous avons vu et entendu.

On veillera dans la description des faits à distinguer ce qui a été observé de ce qui a été interprété, supposé, extrapolé, déduit, jugé ... en faisant précéder les descriptions de la mention "j'ai interprété, j'ai supposé, j'ai extrapolé, j'ai déduit, j'ai jugé ..."

Comment j’ai vécu ce qu’il s’est passé
Décrire la situation, c'est aussi décrire la façon dont nous l'avons vécue dans notre corps, notre coeur (émotionnellement) et notre tête (mentalement).

Dans mon corps :
Décrire comment nous le vivons dans notre corps, c'est relever nos sensations physiques, nos réactions physiologiques, et nos comportements.
Exemples de sensations physiques : tensions, douleurs, larmes, chaud, froid, picotement, tremblements ...
Exemples de réactions physiologiques : coeur qui bat, transpiration, gargouillement, nausée, ...
Exemples de comportements : cris, pleurs, fuite, taper du poing sur la table, claquer une porte, …

Par exemple :
Corps : Légère tension dans le ventre, un peu comme une boule.
Geste de la main qu’on fait quand on pense que quelqu’un est fou quand j’ai entendu la porte claquer.


Dans mon coeur :
Décrire comment nous le vivons dans notre coeur, c'est lister toutes les émotions ressenties en essayant de trouver le mot le plus juste.
Joie, peur, colère, tristesse, dégoût, honte, culpabilité, mépris, ...
Pour vous aider à identifier le mot le plus pertinent pour nommer votre émotion, consultez les cartes mémo "Développer sa conscience émotionnelle'' disponible sur le blog du livre. Consultez en particulier les cartes n°2 Les émotions et n°9 Les émotions et leurs synonymes.

Par exemple :
Coeur : En colère de le voir entrer dans mon bureau sans frapper.
Stress lorsqu’il me demande si j’ai traité le dossier de Monsieur Durand.
Agacé par son ton autoritaire.

Dans ma tête :
Il s’agit là de prendre note des pensées et des discours intérieurs que nous avons eus pendant l'évènement. Il convient de veiller à identifier et à distinguer les interprétations, suppositions, jugements, déductions, extrapolations, projections, …

Décrypter et prendre la nourriture

La deuxième étape, celle du décryptage à proprement parler, consiste à identifier sur la base des éléments de la première partie ce qui, en soi, a été touché, affecté, contacté, activé ... Cela peut être une blessure, un conditionnement, un héritage, un mécanisme de protection, une aspiration profonde …

Reprenons l’image du tableau de bord. Si dans votre voiture s'allument à la fois les voyants relatifs au niveau de carburant dans le réservoir, à la fermeture des portes et à l’enclenchement de l’attache de votre ceinture de sécurité, vous devez traiter chacun de ces signaux. Une information spécifique est donnée par chaque voyant allumé, lequel s’éteindra dès qu’une mesure adéquate sera prise pour régler le problème signalé par le voyant du tableau de bord.

Il ne vous viendrait pas à l’idée d’aller à la station service à cause du voyant “Portière mal fermée”, ni de vérifier que toutes les portes sont bien fermées si “Attachez votre ceinture de sécurité” est allumé. A moins que vous ne fassiez une erreur d'interprétation du message, un mauvais décryptage du signal. Auquel cas, agacé par l’inefficacité des mesures prises, vous pourriez en conclure que c’est le tableau de bord qui a un problème, ce qui pourrait vous amener à retirer l’ampoule du voyant pour ne plus être dérangé par le signal qui, selon votre interprétation, s'allume intempestivement.

Cette étape du décryptage est donc essentielle pour prendre les mesures les plus appropriées et efficaces dans notre vie. Les voyants du tableaux de bord de notre voiture nous informent sur le fonctionnement du véhicule, ce qui le constitue et comment il fonctionne. Nos réactions émotionnelles, physiques et comportementales nous informent sur notre propre fonctionnement, ce qui nous constitue, ce qui est sensible, ce qui est touché, ce qui se joue et s’active en soi.

Rappelez-vous, mes réactions me parlent de moi-même. J'accède à la réalité de ce que je suis à travers la réalité de ce que je vis et de comment je le vis.

Mes réactions me parlent de moi-même.
J'accède à la réalité de ce que je suis à travers
la réalité de ce que je vis et de comment je le vis.

En faisant la photographie de ce que nous vivons, nous décrivons “la réalité de ce que je vis et de comment je le vis”. Le décryptage consiste à mettre en lumière “la réalité de ce que je suis”.

La charnière entre la réalité de ce que je vis et celle de ce que je suis, entre la première et la deuxième partie de ce processus, ce sont les déclencheurs.

Déclencheurs - les étincelles

Les déclencheurs constituent les traits d'unions entre les éléments de réalité extérieure "visibles" liés à ce qui s'est passé et les éléments de réalité intérieur "invisible", ce qui en soi a provoqué nos réactions. Les questions à se poser pour les identifier sont :
Qu'est ce qui, dans ce qui s'est passé, a déclenché ma réaction ? Quelle étincelle à mis le feu émotionnel en moi ? Quel détonateur a fait exploser la bombe réactionnelle de mon comportement ?

Chaque réaction est un signal qui transmet une information. Il convient donc de faire ce travail pour chaque émotion, sensation, comportement. Il convient de tirer les fils un par un pour identifier la nature et surtout le message transmis par le signal. Certaines situations, pas forcément complexes, provoquent un feu d'artifice de réactions physiques et émotionnelles qui font ressembler le tableau de bord de notre vie à un sapin de Noël. Ça clignote un peu partout. Faire face efficacement à ce genre de situation nécessite de faire la part des choses, de prendre en compte et de traiter chaque signal pour pouvoir retrouver un mode apaisé de fonctionnement, sans les flashs et les bourdonnements des signaux d'alarme.

Cette étape d’identification des déclencheurs est cruciale car elle permet d’ancrer tout le travail de décryptage dans le réel. Elle nous permet également d’y revenir si nous partons dans des élucubrations hors-sol lorsque, angoissé par la perte de contrôle, nous cherchons frénétiquement à comprendre ce qui nous arrive.

La peur nous pousse à nous mettre en sécurité, à réduire l’incertitude, à comprendre et à contrôler. Donner du sens aux situations et à nos réactions nous donne l’illusion de reprendre le contrôle sur la situation, de reprendre la télécommande de soi-même. Mais si le sens est déconnecté de la réalité, les boutons de la télécommande ne seront pas opérationnels. Pire, ils peuvent provoquer des réactions qui aggravent la situation.

Exemple
Marie est très sensible à la façon dont ses collègues interagissent avec elle, et réagit vivement lorsque Paul ne répond pas à ses emails. Cela à la fois la met en colère, l’angoisse et la fait se sentir coupable. Elle part vite dans les tours et se fait des films sur ce que pense Paul, le risque de nuisance qu’il peut avoir sur sa réputation, le risque de se voir attribuée la cause de dysfonctionnements alors que c’est Paul qui ne fait pas son travail. Si Marie ne fait pas la part des choses et n’identifie pas ce qui, en elle, est si sensible, son besoin d'apaiser les inconforts prendra le dessus et poussera Marie à trouver des explications et à donner du sens souvent déconnecté de la réalité afin d’avoir l’impression de pouvoir reprendre le contrôle sur la situation.

Ancrer notre démarche dans le réel constitue en quelque sorte un garde fou et nous évite de tomber dans les pièges qui nous font attribuer à tort des causes irréelles à des effets qui eux le sont bel et bien, réels.

Ainsi, l'identification précise des déclencheurs est très importante et très utile pour la suite du processus. Cela nous aide à mettre en lumière de façon beaucoup plus fiable les réelles causes de nos réactions, les produits inflammables qui ont provoqué les feux émotionnels qui nous consument de l’intérieur. De la qualité de cette étape dépend la fiabilité de ce qui va par la suite être révélé, mis en lumière et transformé. 

Causes - les produits inflammables

Les causes qui provoquent nos réactions, ou plus précisément, qui conditionnent la façon dont nous nous représentons les choses et par conséquent provoquent nos réactions, sont multiples. La plus simple et facile à identifier, ce sont nos attentes qui, qu'elles soient satisfaites ou pas, provoquent des réactions en nous, plutôt agréables lorsqu'elles sont satisfaites et désagréables lorsqu'elles ne le sont pas.

Comment identifier les attentes qui se cachent derrière nos réactions?
Référez-vous au chapitre 6 du livre Résister aux illusions (Comment accéder à la réalité de soi-même) pour avoir une description détaillée du processus. Cliquez sur le lien ci-dessous pour voir une synthèse des questions à se poser :

Voir la synthèse des questions à se poser

L'identification des produits inflammables vous sera grandement facilitée en vous appuyant sur les questions clés de décryptages spécifiques à chaque émotion. Cliquez sur le lien ci-dessous : 

Les questions liées aux émotions


Nourriture et justesse profonde

Qu'entend-on par "nourriture" dans ce processus ? Ce sont les prises de conscience, la mise en lumière de quelque chose en soi, l'identification de ce qui nous appartient ou pas, de ce qui est réel ou illusoire, de ses aspirations profondes ou de ses blocages. Faire l’expérience de sa propre existence en étant au contact conscient de soi-même est en soi une nourriture.

Si la nourriture correspond aux prises de conscience suscitées par le décryptage, la justesse profonde, quant à elle, relève de l'alignement et du positionnement qui en découlent.

Exemple 1 :
Kevin s’est disputé avec sa compagne à cause de la place prise par le téléphone portable dans leurs vies respectives et du manque de disponibilité de chacun pour l’autre. Le décryptage de leur dispute l’ont mené à identifier nourriture et justesse profonde :

Nourriture : prise de conscience de combien il m’est facile de perdre ma vie, de la remplir de vide, de passer à côté de l'essentiel.
Justesse : organise ta vie pour ne pas la perdre, et si tu la perds, profites-en pour te nourrir de ce qui t'a fait te perdre, et ainsi te retrouver dans ce qui est profondément essentiel pour toi.
Je vais réduire les sources de distraction en supprimant les notifications de mon téléphone.
Je vais être attentif à mon état lorsque je passe trop de temps sur mon téléphone et décrypter afin de mettre en lumière ce qui, en moi, me fait adopter de tels comportements.


Exemple 2 :
Louisa a toujours eu beaucoup de mal à exprimer ses besoins. Entre peur des conflits et attentes des autres qu’ils devinent ses désirs, son premier mariage s’est terminé par un divorce. S’étant remariée et ayant commencé à prendre soin d’elle, Louisa arrive aujourd’hui à se positionner différemment vis-à-vis de son second mari Carlo. Alors qu’il lui demande de le rejoindre chez des amis un soir où elle n’a qu’une envie, se reposer tranquillement chez elle, Louisa décrypte les malaises qu’elle ressent et arrive à prendre une décision autrefois inaccessible.
Nourriture : J’ai besoin de prendre du temps pour moi. Ma peur du conflit avec Carlo si je ne satisfais pas à sa demande ne repose sur rien de concret.
Justesse : Je m’autorise à prendre ce temps pour moi et je décide de ne pas le rejoindre chez ses amis comme il me l’a demandé.


Les décryptages sont sources de prises de conscience majeures et de spectaculaires transformations dans la vie de ceux qui les pratiquent assidûment, d’autant plus spectaculaires qu’elles débloquent des situations auxquelles on a consacré, durant parfois des années, beaucoup d’énergie sans résultats satisfaisants.


C'est à la lumière de tout ce travail de décryptage que nous pouvons, de façon ancrée dans le réel, nous positionner, faire des choix, prendre des décisions, en un mot vivre notre vie un peu plus en lien et en accord avec soi-même. 


©Benoit Aymonier 2022

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